Fusion
Après nous avoir promis la lune,
le nucléaire nous promet le soleil…
Après le nucléaire de fission, les nucléophiles nous font miroiter l’avenir énergétique radieux qu’offrirait la fusion thermonucléaire contrôlée.
Il s’agit simplement de reproduire les conditions physiques qui règnent dans le soleil pour obtenir, de manière sûre, non polluante et sans utilisation militaire possible, de l’ énergie électrique en quantité quasi illimitée.
L’AG du réseau “ Sortir du nucléaire ” et les Verts se sont prononcés contre le projet international ITER (International Thermonuclear Experimental Reactor) et sa version édulcorée ITER-FEAT pour lequel les sites de Cadarache (Bouches du Rhône) et de Vandellos (Catalogne-Espagne) posent leur candidature.
Pour mieux comprendre, entrons dans les détails.
Fusion- fission quelle différence ?
Dans la fission, les noyaux d’uranium, sous l’impact de neutrons, éclatent en libérant de l’énergie et des neutrons qui, à leur tour, font éclater d’autres atomes d’uranium.
Dans la fusion, au contraire, des noyaux légers d’hydrogène fusionnent pour donne un noyau plus lourd d’hélium. La réaction produit aussi des neutrons qui emportent 80% de l’énergie produite.
Comment faire pour réaliser la fusion ?
La façon la plus “ simple ” est de prendre deux formes particulières d’hydrogène : le Deutérium qui existe dans la nature et le Tritium, radioactif, qu’il faut fabriquer.
Pour amorcer la réaction dans ce mélange il faut chauffer, mais la réaction ne démarre qu’à partir d’une température de 100 millions de degrés.
Comment peut-on chauffer ce mélange ?
Le procédé envisagé comporte, entre autres, de puissantes décharges électriques, de plusieurs millions d’ampères, dans le mélange pour “ allumer ” la réaction. Vers 100 millions de degré la fusion commence avec deux étapes importantes :
La première ( break-even) est atteinte lorsque l’énergie libérée par la fusion est supérieure à l’énergie dépensée pour le chauffage. A ce stade la réaction s’arrête si on arrête le chauffage.
La seconde (ignition)est atteinte lorsque la fusion s’entretient toute seule lorsqu’on arrête le chauffage.
A l’heure actuelle on sait “ allumer ” la réaction mais elle fournit toujours moins d’énergie qu’il n’en faut pour la déclencher.
Dans quel récipient peut-on réaliser cela ?
Pas question d’un récipient matériel, aucun matériau ne résiste à ces températures. On oblige les noyaux chargés électriquement à circuler dans un volume fermé, une “ bouteille magnétique ”, ayant la forme d’une chambre à air plus ou moins tordue, et cela grâce à des champs magnétiques intenses.
Ce concept, imaginé dans les années cinquante par les chercheurs soviétiques porte le nom de TOKAMAK. Les champs magnétiques sont créés par des bobines parcourues par des courants électriques très intenses. Pour éviter le dégagement de chaleur qui vaporiserait le dispositif, il faut porter ces bobines à une température voisine du zéro absolu (-273°).
Comment récupérer l’énergie ?
L’énergie est emportée surtout par les neutrons qui, n’étant pas chargés électriquement, s’échappent de la bouteille magnétique et sont absorbés par l’enceinte matérielle qui entoure l’ensemble et s’échauffe. Un dispositif de refroidissement extérieur permettrait de vaporiser de l’eau et de produire de l’électricité dans une turbine à vapeur classique.
A partir de là de nombreux problèmes se posent
-L’étanchéité des “ bouteilles magnétiques ”.
-La coexistence d’un plasma à 100 millions de degré et des bobines voisines du zéro absolu.
-Les parois matérielles de l’enceinte sont soumises à un flux de neutrons intense qui disloque les réseaux cristallins. Aucun matériau, à ce jour, ne peut résister longtemps à cette agression. On a le même problème avec des flux bien moins importants dans les réacteurs à fission (formation de fissures).
-Lorsque la réaction se déclenche elle produit des éléments qui “ encrassent ” le mélange
il faut, en permanence le débarrasser de ces scories.
-Le projet ITER ne pense pas atteindre le stade de l’ignition. La réaction demande alors un chauffage permanent qui exige des puissances considérables. Elles devront être fournies par d’autres centrales nucléaires (à fission celles là) à travers des lignes à THT.
Le projet serait donc un simple amplificateur de puissance.
-Les parois sont rendues fortement radioactives par le flux de neutrons. Les opérations de maintenance ne peuvent être faites qu’avec des robots.
-La production de Tritium dans la chambre elle-même.
A coté de cela nos réacteurs nucléaires à fission font figure d’outils préhistoriques.
De l’aveu même des spécialistes il n’est pas envisageable d’avoir un prototype avant une cinquantaine d’années et personne ne se hasarde à donner une date pour un outil industriel.
Le contexte administratif n’est pas plus simple
Un tel projet n’est pas à la portée d’un seul pays, ni même de l’Europe, Il a donc fallu monter une organisation internationale réunissant au début l’Europe, la Russie, le Japon, les USA. Après étude, et malgré une révision à la baisse des ambitions du projet, les USA se sont retirés du projet considéré par eux comme incapable d’atteindre un jour un stade industriel rentable. En janvier 2003 Les USA sont revenu et la Chine demande également a participer … mais à la marge, avec une participation réduite à 10%… pour voir.
A la complexité technique s’ajoute donc la complexité de gestion et les difficultés politiques en particulier pour le choix d’un site d’implantation. Quatre sites sont actuellement en concurrence dont deux sites européens : Vandellos en Catalogne et Cadarache en France, on attend un choix définitif avec un arbitrage politique dans le courant de cette année.
Pourquoi nous disons non à ce projet
Cette technologie, accessible peut-être vers la fin du siècle aux pays les plus développés, ne peut répondre aux besoins urgents (dans les décennies à venir) pour permettre le développement des pays du sud et répondre à la crise écologique (fin des ressources fossiles et changement climatique).
Les investissements importants que nous devrons faire sur le projet, estimé aujourd’hui à 5 milliards d’euros dans sa version allégée ITER-FEAT(surtout si le site choisi est en France), seront autant de moins pour les filières dans lesquelles nous sommes déjà lamentablement à la traîne (énergies renouvelables et efficacité énergétique) avec 2% de crédits publics pour la recherche et le développement et une réduction cette année de plus de 30% du budget de l’ADEME.
La production de déchets radioactifs ne sera vraiment moins grande que si le stade de l’ignition est atteint. Sinon (et c’est le cas du projet ITER-FEAT) il faudra alimenter le réacteur avec les puissances considérables provenant de centrales classiques à fission.
Certains évoquent d’ailleurs la possibilité que ce projet soit utilisé comme point de départ d’un réacteur hybride (fusion-fission) dans lequel les neutrons produits par la réaction de fusion serviraient à déclencher une réaction de fission dans l’enveloppe constituée d’un matériau fissile. Dans cette hypothèse il y aurait production d’éléments radioactifs lourds.
L’intérêt des militaires pour la fusion thermonucléaire est très important. En témoigne le projet “ mégajoule ” qui utilise un autre procédé de fusion thermonucléaire. Le CEA dont la Direction de la Recherche sur la Fusion Contrôlée (DRFC) pilote actuellement le projet ITER a une Direction des Applications Militaires (DAM). L’étanchéité des deux directions est loin d’être garantie. A ce propos, le renouveau d’intérêt des Etats Unis pour le projet semble plutôt lié aux perspectives militaires qu’à un changement d’appréciation sur son intérêt économique.
Risques liés au site d’implantation de Cadarache :
La nécessité d’acheminer la puissance électrique considérable (plusieurs gigawatts) impose la création de lignes HT supplémentaires.
Destruction des riches milieux de la forêt domaniale de Cadarache.
Elargissement des routes menant au site pour faire passer les transporteurs de pièces volumineuses du réacteur
Pas de protection contre les séismes de magnitude 6 (survenu en 1909)
Pas de protection contre les chutes d’aéronefs.
Alain DORANGE
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