POINT DE VUE : Les dangers de la fusion
WISE-Paris, Londres, novembre 2003
Par le Dr. Ian Fairlie*
[Mise en ligne le 28/11/2003]
Si
jamais la fusion nucléaire était développée commercialement, les rejets
radioactifs augmenteraient de façon considérable, car le cœur de chacun
des réacteurs commerciaux refermerait environ 4,0 1018
Bq (un 4 suivi de 18 zéros, soit un million de curies) de tritium
radioactif, selon certaines estimations [Coyle, 1978, Ikrent, 1976].
Cela constitue une quantité de tritium très importante. Même si
seulement 0,01 % de cet inventaire était rejeté dans
l'environnement chaque année, cela représenterait 400 TBq
(terabecquerel ou 1.000 milliards de Bq) de tritium par an, c'est à
dire plus que la quantité de tritium actuellement relâchée dans
l'environnement des 34 réacteurs de 900 MW du parc d'EDF [EDF
2003].
Ces estimations rejoignent
celles de Feinendegen (1980) selon lesquelles les rejets de
« routine » de futures capacités de fusion s'élèveraient à
110 Tbq de tritium par an pour 1.000 MW installés (soit plus
de 10 fois la quantité moyenne relâchée par un réacteur français de
900 MW).
Au danger du tritium
radioactif, vient s'ajouter la présence de lithium dans les réacteurs
de fusion. En cas d'explosion (cf. l'importante quantité d'énergie
contenue dans ces réacteurs), l'incendie qui se produirait enflammerait
le lithium. Le lithium est extrêmement inflammable et brûle avec une
grande intensité, et on pourrait donc s'attendre au relâchement d'une
quantité importante de l'inventaire de tritium du réacteur. Ceci aurait
un effet catastrophique sur les régions placées sous le vent. Luykx et
Coyle ont estimé que des relâchements « accidentels »
pourraient représenter une augmentation des rejets de tritium de
3,7 1018 Bq en moyenne par an, si l'on construisait un
nombre important de ce type de réacteur. Ces estimations, faites par
des scientifiques spécialistes de la fusion faisant autorité, sont
redoutablement élevées, mais n'ont semble-t-il jamais été réfutées dans
la littérature scientifique.
Ces
références bibliographiques datent des années soixante-dix et
quatre-vingt, mais leur âge n'enlève rien à leur signification. Elles
indiquent qu'au cours des précédentes campagnes en faveur de la fusion,
un certain nombre de scientifiques étaient tellement inquiets des
dangers qu'elle présentait, qu'ils mirent en jeu leur carrière pour les
dénoncer. A la lumière des appels récents en faveur de la fusion, il
faut se souvenir de leurs inquiétudes et objections, et, en effet, de
leur courage.
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*Ian
Fairlie est consultant indépendant, spécialisé dans la radiologie. Le
gouvernement britannique l'a nommé secrétaire scientifique de CERRIE
(Committee Examining Radiation Risks from Internal Emitters). Il
s'exprime ici à titre personnel.
Références bibliographiques :
- Coyle,
P., "Laser Fusion: Status, Future and Tritium Control" in Behaviour of
Tritium in the Environment, Proceedings of a Symposium in San
Francisco, IAEA and NEA (OECD), October 1978
- EDF 2003, http://nucleaire.edf.fr/English/informer/chiffres/fs_chif01.html
- Ikrent,
D. et al., "On the Safety of Tokamak-type, Central Station Fusion Power
Reactors", Nuclear Engineering Design, vol 39, p. 215, 1976
- Feinendegen,
L. et al., "Radiation Problems in Fusion Energy Production", Radiat.
Environ. Biophys. vol 18, pp. 157 to 183. 1980
- Luykx,
F. and Fraser, G., "Tritium Releases from Nuclear Power Plants and
Nuclear Fuel Reprocessing Plants" Radiat Prot. Dos vol 16
(1-2), pp. 31-36. 1986