La concertation
Raphaël COLAS,
DESS d'urbanisme et
d'aménagement du territoire
Institut français
d'urbanisme-ParisXII
C'est un double changement
de comportement qui rend nécessaire la concertation dans les domaines tels
que l'urbanisme, l'aménagement, l'environnement ... D'une part, les
administrés souhaitent participer de plus en plus aux projets qui
conditionnent et structurent le fonctionnement de leur cité (Dans ce cadre,
le caractère trop tardif de l'enquête publique au sein du processus
décisionnel constitue l'un des griefs majeurs formulés par eux à l'encontre
de la procédure d'enquête publique). D'autre part, les décideurs ont pris
conscience de l'intérêt d'une telle pratique pour prévenir au maximum la
possible contestation et ses conséquences (recours, suspension des travaux,
effets sur la popularité des élus ...).
Cadre juridique
Les articles L300-1 et
suivants du Code de l’Urbanisme qui régissent la concertation sont issus de
la loi n°85-729 du 18 juillet 1985 dite loi Aménagement. Leur champ
d’application a depuis été élargi notamment par la loi n°91-662
d’orientation pour la ville du 13 juillet 1991. Selon la loi, “le Conseil
Municipal délibère sur les objectifs poursuivis et sur le modalités d’une
concertation associant, pendant toute la durée de l’élaboration du projet,
les habitants, les associations locales et toutes les autres personnes
concernées dont les représentants de la profession agricole” préalablement
à toute modification de POS (ouverture d’une zone NA à l’urbanisation),
toute création d’une ZAC, ou toute opération d’aménagement selon leur
nature et leur importance réalisée par la
commune ou à son compte
(voir articles R300-1 et R300-2).
La concertation
intervient donc avant que le projet ne soit arrêté (à la différence de
l’enquête publique). Le Conseil Municipal définit les modalités de la
concertation de façon précise et détaillée; le déroulement et le contenu se
décident donc de façon unilatérale. A l’issue de cette concertation,
c’est-à-dire à partir du moment où le projet a pris sa forme définitive, le
maire doit présenter un bilan de la concertation devant le Conseil
Municipal qui en délibère.
Plus un savoir
être qu’un savoir-faire
La concertation est un
état d’esprit avant tout. Pour
mener à bien une bonne concertation sur un projet d’aménagement, il faut
être motivé, disponible, ouvert et respectueux des opinions des autres...
La concertation ne relève pas du règlement ou des procédures, mais plutôt de
comportements et de pratiques reposant sur l’idée simple que la coopération
offre à tous plus d’avantages que les conflits. Et mieux vaut ne pas se
lancer dans la concertation si on est pas prêt à accepter ces idées...
La concertation doit
être ouverte le plus en amont possible du projet; Si on attend trop, on risque d’être accusé
d’apporter un dossier “ficelé”, qui interdit toute autre attitude qu’un
rejet global plus souvent sur une protestation devant l’arbitraire que sur
une discussion sur le contenu. Il faut faire partager ses projets en
amont de toute action opérationnelle, car cela permet d’éviter de mettre la
population devant le fait accompli, de travailler en amont avec les
opérateurs et les décideurs institutionnels, et de faire évoluer le projet.
On limite ainsi les risque de contentieux et de mauvaises surprises à
l’enquête publique, on prépare avec les institutionnels l’instruction des
différents dossiers.
La concertation vise
un public le plus souvent non averti,
il faut donc se mettre à la portée des gens et comprendre quels sont les
véritables enjeux pour les habitants. Trop souvent les expositions
d’urbanisme sont difficilement compréhensibles pour un public novice. La
plupart des gens ne se déplacent pas en mairie, il faut aller à leur
rencontre sur les lieux de vie et en fonction de leurs horaires. Nos
préoccupations de techniciens ne sont pas obligatoirement les leurs !
La concertation peut
ne pas aboutir sur un consensus général. La recherche d’un consensus de tous les acteurs concernés reste
bien sûr la situation idéale, mais ce n’est pas une condition impérative à
la réussite de la concertation. Elle a ses limites et les élus restent les
décideurs qui ont la responsabilité des projets engagés.
La concertation doit
être présente à toutes les étapes d’élaboration d’un projet. La concertation ne se résume pas à une étape du
processus de décision. Elle doit au contraire en imprégner toute la
démarche, naître bien avant l’enquête publique et continuer si possible
pendant les travaux.
La concertation doit
faire l’objet de bilans. Il est
indispensable de bien informer de la concertation et de rendre compte des
décisions qui sont prises au fil des étapes. Le pire des sentiments est
celui issu de la frustration d’avoir participer à un débat sans avoir de
retour.
|