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Edition provisoire
Le danger potentiel des champs électromagnétiques et leur effet sur l’environnement
Résolution 1815 (2011)1
1. L’Assemblée
parlementaire a souligné à maintes reprises l’importance de
l’engagement des Etats en faveur de l’environnement et la santé
environnementale telles qu’exposées dans de nombreuses chartes,
conventions, déclarations et protocoles depuis la Conférence des
Nations Unies sur l’environnement humain et la Déclaration de Stockholm
(Stockholm, 1972). L’Assemblée renvoie à ses travaux antérieurs dans ce
domaine, notamment à la Recommandation 1863 (2009) sur l’environnement et la santé, la Recommandation 1947 (2010) sur la pollution sonore et lumineuse et, plus généralement, la Recommandation 1885
(2009) pour l’élaboration d’un protocole additionnel à la Convention
européenne des droits de l’homme relatif au droit à un environnement
sain et la Recommandation 1430
(1999) relative à l’accès à l’information, à la participation du public
au processus décisionnel et à l’accès à la justice en matière
d’environnement (mise en œuvre de la Convention d’Aarhus).
2. Les effets
potentiels sur la santé des champs magnétiques de très basse fréquence
entourant les lignes et appareils électriques font l’objet de
recherches et suscitent de nombreux débats publics. Selon
l’Organisation mondiale de la Santé, les champs électromagnétiques de
toute la gamme des fréquences sont de plus en plus présents et
influencent de plus en plus notre environnement, suscitant des
inquiétudes et des spéculations croissantes. Tout le monde est
aujourd’hui exposé à des degrés divers à des champs électromagnétiques
dont les niveaux vont continuer d’augmenter avec les progrès de la
technologie.
3. Le téléphone
portable est maintenant répandu dans le monde entier. La technologie
sans fil repose sur un réseau dense d’antennes fixes ou stations de
base qui relaient l’information sous forme de signaux radiofréquence.
Il y a plus de 1,4 million de stations de base dans le monde et leur
nombre augmente sensiblement avec l’introduction des technologies de
troisième génération. D’autres réseaux sans fil permettant l'accès à
grande vitesse à l’internet et à d’autres services, comme les réseaux
locaux sans fils, sont aussi de plus en plus répandus dans les
habitations, les bureaux et de nombreux lieux publics (aéroports,
écoles, zones résidentielles et urbaines). Avec le nombre de stations
de base et de réseaux locaux sans fil, c'est aussi l'exposition de la
population aux radiofréquences qui augmente.
4. Si les champs
électriques et électromagnétiques de certaines bandes de fréquence ont
des effets tout à fait bénéfiques, qui sont utilisés en médecine,
d’autres fréquences non ionisantes, que ce soient les extrêmement
basses fréquences, les lignes électriques ou certaines ondes à haute
fréquence utilisées dans le domaine des radars, de la télécommunication
et de la téléphonie mobile, semblent avoir des effets biologiques non
thermiques potentiels plus ou moins nocifs sur les plantes, les
insectes et les animaux, ainsi que sur l’organisme humain même en cas
d’exposition à des niveaux inférieurs aux seuils officiels.
5. Concernant
les normes ou les seuils relatifs aux émissions des champs
électromagnétiques de tout type et de toute fréquence, l’Assemblée
préconise l’application du principe «ALARA» (as low as reasonably achievable),
c’est-à-dire du niveau le plus faible raisonnablement possible, prenant
en compte non seulement les effets dit thermiques, mais aussi les
effets athermiques ou biologiques des émissions ou rayonnements de
champs électromagnétiques. De plus, le principe de précaution devrait
s’appliquer lorsque l’évaluation scientifique ne permet pas de
déterminer le risque avec suffisamment de certitude. D’autant que,
compte tenu de l’exposition croissante des populations – notamment des
groupes les plus vulnérables comme les jeunes et les enfants –, le coût
économique et humain de l'inaction pourrait être très élevé si les
avertissements précoces sont négligés.
6.
L’Assemblée regrette l’absence de réaction face aux risques
environnementaux et sanitaires connus ou émergents et les retards
quasi-systématiques dans l’adoption et l’application de mesures de
prévention efficaces en dépit des appels à l’application du principe de
précaution et de toutes les recommandations, déclarations et nombreuses
avancées réglementaires et législatives. Attendre d’avoir des preuves
scientifiques et cliniques solides avant d’intervenir pour prévenir des
risques bien connus peut entraîner des coûts sanitaires et économiques
très élevés, comme dans les cas de l’amiante, de l’essence au plomb et
du tabac.
7. De plus,
l’Assemblée constate que le problème des champs ou ondes
électromagnétiques et leurs conséquences possibles sur l’environnement
et la santé est évidemment comparable à d’autres problèmes actuels,
comme celui de l’autorisation de la mise sur le marché des médicaments,
des produits chimiques, des pesticides, des métaux lourds ou des
organismes génétiquement modifiés. Elle insiste donc sur l’importance
cruciale de l’indépendance et de la crédibilité des expertises
scientifiques pour obtenir une évaluation transparente et objective des
effets nocifs potentiels sur l’environnement et la santé humaine.
8. Compte tenu
de ce qui précède, l’Assemblée recommande aux Etats membres du Conseil
de l’Europe,
8.1. de manière générale:
8.1.1.
de prendre toutes les mesures raisonnables pour réduire l’exposition
aux champs électromagnétiques, notamment aux radiofréquences émises par
les téléphones portables, et tout particulièrement l’exposition des
enfants et des jeunes, pour qui les risques de tumeurs de la tête
semblent les plus élevés;
8.1.2.
de revoir les fondements scientifiques des normes actuelles
d’exposition aux CEM fixées par la commission internationale pour la
protection contre les rayonnements non ionisants (International Commission on Non-Ionising Radiation Protection), qui présentent de graves faiblesses, et d’appliquer le principe «ALARA» (as low as reasonably achievable),
c’est-à-dire du niveau le plus faible raisonnablement possible, à la
fois pour ce qui est des effets thermiques et des effets athermiques ou
biologiques des émissions ou rayonnements électromagnétiques;
8.1.3.
de mettre en place des campagnes d’information et de sensibilisation
aux risques d’effets biologiques potentiellement nocifs à long terme
pour l’environnement et la santé humaine, en particulier à destination
des enfants, des adolescents et des jeunes en âge de procréer;
8.1.4.
de porter une attention particulière aux personnes «électrosensibles»
atteintes du syndrome d’intolérance aux champs
électromagnétiques et de prendre des mesures spéciales pour les
protéger, en créant par exemple des «zones blanches» non couvertes par
les réseaux sans fil;
8.1.5.
dans le but de réduire les coûts, d’économiser de l’énergie et de
protéger l’environnement et la santé humaine, d’accroître les efforts
de recherche sur de nouveaux types d’antennes, de téléphones portables
et d’appareils de type DECT et d’encourager la recherche et le
développement de télécommunications basées sur d’autres technologies
tout aussi efficaces, mais ayant un effet moins nocif sur
l'environnement et la santé;
8.2.
s’agissant de l’utilisation individuelle du téléphone portable, du
téléphone sans fil DECT, du WiFi, du WLAN et WIMAX pour les ordinateurs
et autres applications sans fil, par exemple les interphones pour la
surveillance des bébés:
8.2.1.
de fixer un seuil de prévention pour les niveaux d’exposition à long
terme aux micro-ondes en intérieur, conformément au principe de
précaution, ne dépassant par 0,6 volt par mètre et de le ramener à
moyen terme à 0,2 volt par mètre;
8.2.2.
d’appliquer toutes les procédures nécessaires d’évaluation des risques
à tous les nouveaux types d’appareil avant d’autoriser leur
commercialisation;
8.2.3.
d’instaurer un système d’étiquetage clair signalant la présence de
micro-ondes ou de champs électromagnétiques et indiquant la puissance
d’émission ou le débit d'absorption spécifique (DAS) de l'appareil,
ainsi que les risques pour la santé liés à son utilisation;
8.2.4.
d’informer sur les risques potentiels pour la santé des téléphones sans
fil de type DECT, des interphones pour la surveillance des bébés et
d’autres appareils domestiques qui émettent continuellement des ondes
pulsées, si l’ensemble des appareils électriques restent en permanence
en veille et de recommander l’utilisation de téléphones fixes filaires
chez soi ou, à défaut, de modèles qui n'émettent pas des ondes pulsées
en continu;
8.3. s’agissant de la protection des enfants:
8.3.1.
de concevoir, avec différents ministères (éducation, environnement et
santé) des campagnes d’information ciblées destinées aux enseignants,
aux parents et aux enfants pour les mettre en garde contre les risques
spécifiques d’une utilisation précoce, inconsidérée et prolongée des
téléphones portables et autres appareils émettant des micro-ondes;
8.3.2.
de privilégier pour les enfants en général et plus particulièrement
dans les écoles et salles de classe des systèmes d’accès à l’internet
par connexion filaire et de réglementer de façon stricte l’utilisation
du portable par les élèves dans l’enceinte de l’école;
8.4.
s’agissant de la planification des lignes électriques et des stations
de base des antennes-relais:
8.4.1.
de prendre des mesures d’urbanisme prescrivant une distance de sécurité
à respecter entre les lignes à haute tension et autres installations
électriques et les habitations;
8.4.2.
d’appliquer des normes de sécurité strictes en ce qui concerne l’impact
sanitaire des installations électriques dans les nouveaux logements;
8.4.3.
d’abaisser les seuils admissibles pour les antennes-relais conformément
au principe ALARA et d’installer des systèmes de surveillance globale
et continue de toutes les antennes;
8.4.4.
de déterminer les lieux d’implantation de toute nouvelle antenne GSM,
UMTS, WiFi ou WIMAX non pas en fonction des seuls intérêts des
opérateurs, mais en concertation avec les responsables des
collectivités territoriales et avec les habitants ou des associations
de citoyens concernés;
8.5. s’agissant de l’évaluation des risques et des précautions à prendre:
8.5.1. d’axer davantage l’évaluation des risques sur la prévention;
8.5.2.
d'améliorer les critères d’évaluation des risques et la qualité de
cette évaluation en créant une échelle standard des risques, en rendant
obligatoire l’indication du niveau de risque, en demandant que
plusieurs hypothèses de risque soient étudiées et en tenant compte de
la compatibilité avec les conditions de la vie réelle;
8.5.3.
de tenir compte des scientifiques qui donnent l’alerte les premiers et
de les protéger;
8.5.4.
de formuler une définition du principe de précaution et du principe
ALARA axée sur les droits de l’homme;
8.5.5.
d’augmenter le financement public de la recherche indépendante,
notamment au moyen de dons d’entreprises et de la taxation des produits
qui font l’objet d’études publiques d’évaluation des risques sanitaires;
8.5.6. de créer des commissions indépendantes pour l’attribution de fonds publics;
8.5.7. de rendre obligatoire la transparence des groupes de pression;
8.5.8.
de promouvoir des débats pluralistes et contradictoires entre toutes
les parties prenantes, y compris la société civile (Convention
d’Aarhus).
1 Texte adopté par la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée, le 27 mai 2011 (voir Doc. 12608, rapport de la commission de l'environnement, de l'agriculture et des questions territoriales, rapporteur: M. Huss).
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